[b]« A délivrer une manière de penser, un moment vécu ou je ne sais quoi. A retranscrire une sorte de morale ou des moments passés, à donner une partie de soi plus ou moins importante, plus ou moins enfouies, aux lecteurs. J'en sais trop rien vous savez moi en littérature j'ai toujours des mauvaises notes. Peut-être pour ça que j'arrive pas avec votre livre. Je suis pas sensible à tout ça. »[/b] Tobias étudia sa réponse en passant son pouce sur sa lèvre, geste qu’il faisait lorsqu’il réfléchissait un peu trop intensément. Il esquissa alors un sourire et finit par acquiesça en croisant ses mains sur la table devant lui. [color=DarkCyan]« C’est une bonne réponse. »[/color] dit-il, dans une très mauvaise caricature de professeur. Pourtant, prof, il l’était aussi à ses heures perdues. Donner des conférences à la fac, ou faire des lectures à l’école primaire faisait partie de ses activités. Tobias aimait le contact avec les enfants et les étudiants qui lui apportaient autant sinon plus que ce qu’il pouvait leur apporter. [color=DarkCyan]« Ecrire un livre est à mes yeux une chose très égoïste. Attention, je ne parle pas de tous les écrivains. Mais ceux qui, comme moi, en veulent au monde entier et se sentent obligés de partager une part d’eux-mêmes avec les autres. Parce que justement, ils ne sont pas les autres. »[/color] Il se tut de nouveau, pour que ses paroles imprègnent l’esprit de Sage. Sage et son joli nom, Sage et ses mots poétiques.  Sans doute Tobias pourrait-il écrire un livre sur lui, un livre tout entier. Ça se lisait dans ses yeux que sa vie était à part. Peut-être lui donnerait-il un nom un peu fantastique, comme

[i]Ennui, monotone, désert. [/i] Tobias considéra le jeune Sage d'un œil attentif, un peu plus tendre qu'à l'accoutumée. Qu'est-ce qu'il pouvait le comprendre ! Ils n'étaient pas si différents l'un de l'autre, au fond. En tout cas, c'est ce qu'avait voulu penser l'écrivain qui s'était persuadé que sa vie n'était qu'une éternelle incertitude, d'un ennui et d'une monotonie sans précédent, le poussant à passer à côté du meilleur. Quand le garçon lui demanda ses trois mots, Tobias cligna des yeux et sourit, lèvres pincées. [color=DarkCyan] « Dana Reyburn, Bonnie Casterella et … Anja Paulsen. »[/color] A ces mots, son regard se fit plus distant, un peu perdu. Les trois femmes étaient ses trois mots, les moteurs de son existence. Il avait vécu au rythme de sa relation à elles. Anja n'était rentrée que récemment dans l'équation, quelques mois plus tôt. Elle était une source d'inspiration intarissable, et surtout il n'arrêtait plus de penser à elle alors qu'il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour faire l'inverse. Son interrogation suivante le désarçonna encore, mais le sourire lui revint immédiatement. [color=DarkCyan] « Très bonne question, Sage. »[/color] Tobias tapota son doigt sur ses lèvres et but une nouvelle gorgée d'eau, la bouche sèche.