S’il y avait bien une chose pour laquelle Ivanna était particulièrement douée, c’était pour souffler le chaud et le froid. Elle avait cette fâcheuse habitude de s’éloigner quand il approchait. Peut-être n’appréciait-elle simplement pas qu’il se comporte ainsi avec elle. Pourtant, ses mots avaient été clairs : il ne la dérangeait pas, sinon elle n’irait pas à ses cours. Si Tobias cherchait à se faire désirer, Ivanna était encore meilleure à ce jeu-là. Si c’était effectivement ce qu’elle cherchait, il avait trouvé une adversaire coriace. La jeune femme le rendait fou à s’éloigner ainsi pour mieux revenir, avant de repartir comme si de rien n’était. De laisser une trace éphémère dans son regard, dans son cœur. De ne faire de la douceur de sa peau qu’un fantasme constant. [color=DarkCyan]« Je doute avoir le moindre talent. »[/color] répondit-il d’un air amusé, avant que son élève ne plonge sous l’eau. Il la regarda faire sans bouger, le dos appuyé contre le rebord de la piscine. Un soupir s’échappa de ses lèvres, yeux clos. Tobias finit par retourner auprès de la serviette d’Ivanna et s’extirpa une nouvelle fois de l’eau pour s’asseoir à côté. Il se laissa tomber sur le dos et observa le plafond d’un air intéressé. Le sol gelé lui arrachait des frissons délicieux, tandis que son regard bleu s’attardait sur les carreaux gris et clairs, baignés par la lumière de ce début de journée. L’un de ses pieds se balançait encore dans l’eau, doucement, au rythme de sa respiration tranquille. Puisqu’Ivanna s’éloignait, lui aussi s’éloignait. Peut-être que de cette manière, elle reviendrait mieux vers lui. Peut-être pas. Et il serait franchement déçu. Etaient-ils voués à avancer et reculer sans cesse, sans jamais se toucher ? Si cette perspective paraissait au premier abord assez excitante, il fallait se rendre à l’évidence : sur la durée, ils la trouveraient lassante. Mais alors comment faire avancer les choses sans se brûler les ailes ? Impossible ; la tempête dans son cœur était là pour le témoigner. Ivanna s’était imposée dans sa tête comme la plus malsaine des obsessions, la plus douloureuse des envies. Tobias se redressa et prit appui sur ses avant-bras, de façon à pouvoir la regarder de nouveau : chaque seconde en sa compagnie était un temps précieux à ne pas gâcher. Parfois, la fascination que la jeune femme exerçait sur son être l’effrayait. Jusqu’où serait-il capable d’aller ? Pourrait-il lui faire du mal, pour son propre plaisir ? Lui faire peur ? Il réprima un frisson beaucoup moins agréable que les précédents. [color=DarkCyan] « Vous nagez bien, Mademoiselle Serova. Vous voyez que vous avez du talent. Et je suis certain que ce n’est pas le seul. »[/color] dit-il d’un air innocent, sans la lâcher des yeux. [color=DarkCyan] « Vous devriez revenir, de temps en temps. »[/color] Ce serait toujours un plaisir de l’y croiser, et de perdre son regard sur ses courbes délicieuses, mêmes cachées derrière un maillot de bain aussi peu gracieux. De se laisser bercer par sa voix douce, souffrir de l’intensité de son regard d’azur. Et son sourire, son sourire … Jamais Tobias ne s’était connu ainsi ; il avait l’air d’un chien aux abois. Les femmes qui étaient passées entre ses doigts, maigre substitution d’Ivanna, n’avaient pas suffi à le rassasier. Aucune ne le pourrait, parce que c’était elle qu’il voulait. [color=DarkCyan] « Est-ce que la vie à Stanford vous plaît ? »[/color] demanda-t-il d’un air intéressé. Sans doute Tobias s’était-il montré trop direct avec elle, et il devait rectifier le tir. Se montrer distant et plus professionnel, afin d’attiser le doute dans son esprit comme elle l’attisait dans le sien. A quel jeu jouaient-ils, l’un comme l’autre ? Tobias n’était pas sûr de le savoir lui-même. Il s’était perdu en chemin, dès le début. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de sortir la tête de l’eau, mais chaque fois que ce regard plus bleu que le ciel se posait sur son être, plus rien ne comptait. Quand du haut de l’amphithéâtre elle le regardait, lui, les autres n’existaient plus. Voilà bien longtemps qu’il n’avait plus ressenti quelque chose avec tant de violence. La dernière fois avait été avec Cassidy, mais les choses étaient différentes : elle était sa petite amie, et il avait droit de poser la main sur elle. 

Ivanna était délicieusement proche. Ses cheveux qui dégoulinaient sur son épaule le faisaient frémir, le poussant à désirer avec ardeur de déposer ses lèvres sur sa nuque, dans son cou, sur cette épaule libre dont il dégagerait la bretelle avec insouciance.

Ivanna était délicieusement proche. Ses cheveux qui dégoulinaient sur son épaule le faisaient frémir, le poussant à désirer avec ardeur déposer ses lèvres sur sa nuque, dans son cou, sur cette épaule libre dont il dégagerait la bretelle avec insouciance. Elle se laisserait faire avec envie, glisserait ses doigts dans ses cheveux à lui en soupirant d'aise. Lèvres pincées, Tobias se concentra sur ses mots pour ne pas réagir trop intensément à ses pensées qui lui traversaient l'esprit. Pourtant, ces mêmes mots n'aidaient en rien à calmer ses ardeurs. Les sous-entendus étaient trop présents, et monsieur Darlington se ferait une joie de rebondir dessus. Bien sûr qu'Ivanna avait le niveau, qu'elle pourrait réussir sans ; tous deux savaient que ses lacunes n'en n'étaient pas vraiment. Sa seconde réflexion eut le don de lui arracher un sourire provocateur. Ses yeux gris glissèrent sur son dos, ses cheveux. [color=DarkCyan]« Vous savez aussi bien que moi que vous pourriez faire encore mieux, Mademoiselle. »[/color] souffla-t-il. Tobias se redressa pour l'imiter en s'asseyant au bord de l'eau, non loin d'elle. Trop près d'elle. Trop près de ce corps qu'il rêvait de posséder, ou au moins d'effleurer de ses doigts. Ses prunelles cherchèrent les siennes, y trouvèrent refuge quelques secondes. Sa réponse n'était pas plus innocente que sa question, même si ses airs conventionnels laisseraient planer le doute sur le réel sens de ses paroles. Pour le commun des mortels il s'agirait là d'une banale conversation sur les capacités d'un élève, pour eux c'était un jeu dont l'issue serait terrible. Ils se brûleraient les ailes avant d'avoir touché terre, pleurerait, se haïraient, auraient envie de mourir et de recommencer à zéro. Ils le savaient, mais ils ne cessaient de se rapprocher de ce mur dans lequel ils fonçaient en toute connaissance de cause. Ses prunelles céruléennes caressèrent les jambes d'Ivanna, longues et fines, qui brassaient l'eau lentement. Tobias détourna le regard pour s'intéresser au mur d'en face, avant de reporter son attention sur la jeune femme. Un nouveau sourire naquît sur ses lèvres. Que devait-elle travailler ? Excellente question. Ses yeux glissèrent lentement sur son corps comme un prédateur aux abois, jusqu'à son visage fin, ses lèvres désirables.